mardi 5 août 2008

Kung Fu Panda de Mark Osborne et John Stevenson (2008)


À l'ombre des pêchers en fleurs

L'affiche de "Kung Fu Panda" ne rend définitivement pas justice à la beauté spectaculaire de ce film. Je suis donc allée le voir en m'attendant à une comédie décalée avec des scènes de Kung Fu bien rythmées. En fait il s'agit plutôt d'une oeuvre contemplative, destinées, certes, aux enfants mais très asiatique, sur le fond et dans la forme. Un genre d'initiation à l'esthétique de l'extrême orient et aux fondements de la pensée chinoise.
Il est rare que le numérique soit à la hauteur de la réalité, pourtant, c'est ici le cas. Montagnes insaisissables auréolées de nuages célestes, palais aux couleurs chatoyantes et dont chaque détail sculpté est une merveille de délicatesse, végétation majestueuse... Même les personnages de ce film d'animation sont des trouvailles visuelles comme, par exemple, la Tigresse inspirée de la boite du fameux Baume du Tigre qui, de plus, prend la voix féline d'Angelina Jolie. Il y a aussi les clins d'oeils, très réussis, aux chorégraphies aériennes de "Tigre et Dragon" lorsque les 5 volent de toits en toits. Et la joie des feux d'artifices, parfaitement retranscrite, qui donnent à certains plans l'effet d'un énorme Jour de l'An chinois auquel on participerait activement.
Enfin, il y a la préciosité d'un arbre en fleurs qui laisse s'échapper ses pétales comme la vie qui file à chaque fin de printemps. Et une très belle métaphore qui pourrait s'intituler "la mort expliquée aux enfants" lorsque le vieux sage tortue s'évanouit dans un tourbillon de fleurs roses, sans douleur, juste parce que c'est le moment et qu'il doit s'en aller.
En fait, chaque instant de ce film est un cadeau, un hommage à la beauté de la vie et de la mort. C'est probablement pour toutes ces raisons que Kung Fu Panda représente à mes yeux une véritable initiation au cinéma asiatique pour les petits.
Un film à voir sur grand écran évidemment.

Entre frères et soeurs

Le scénario de "Kung Fu Panda" pourrait sembler un peu avare de rebondissements s'il ne s'agissait pas justement d'un film contemplatif. Et si la toile de fond est parfaitement chinoise, le noeud de l'histoire, lui, est international puisqu'il s'agit d'un drame familial ordinaire. Les 5, animaux surentrainés pour protéger la cité féodale, frères et soeurs symboliques, se disputent les faveurs de papa. Cette fois encore, il est question de savoir qui sera l'élu, le légendaire guerrier désigné pour débarrasser le peuple d'un ennemi impitoyable. Et là où se situe le drame, c'est que c'est le petit dernier, a priori totalement dénué de talent et de persévérance, qui est choisi, à savoir Po, le panda. Imaginez donc la déconvenue des 5 ainés après tous ces efforts, ces années d'acharnement pour attirer le regard de leur père spirituel, Maître Shifu. Il y a de quoi se dire, effaré, comme le faisait Salieri dans "Amadeus" à propos d'un Mozart immature : "Et c'est cette créature que Dieu avait choisi..."
Effectivement, le fils préféré de papa est un panda glouton et paresseux. Est-ce là une façon d'expliquer aux enfants qu'il n'y a souvent rien à comprendre dans les affinités des parents au sein d'une fratrie ? Peut-être bien... La philosophie du film est qu'il faut, de toutes façons, non pas se résigner, mais accepter les choix parentaux, quels qu'ils soient pour mieux partir s'épanouir ailleurs.
Le chemin qui mène à cette acceptation sereine, la Tigresse a déjà du le parcourir une première fois et elle nous le raconte. En effet, un autre noeud dans la relation entre les enfants et leur Maître est que ce dernier a perdu un élève avant même de les connaître. Il a pris sous son aile un jeune léopard, le cruel et fourbe Taï Lung, puis il a été déçu par ce dernier et il a du le laisser partir. Ayant perdu un enfant, le Maître Shifu se retrouve dans l'incapacité d'aimer ses élèves par la suite et, s'il entreprend toutefois de former la jeune Tigresse, il ne lui manifeste aucune affection paternelle. Ce pourrait donc bien être une métaphore du parent qui a perdu un premier enfant et se retrouve dans l'incapacité de nouer une véritable relation avec les suivants... Là encore, le message adressé aux jeunes (et moins jeunes) spectateurs est qu'on ne peut rien y faire, il faut apprendre à vivre avec (ou plutôt sans) et aller chercher ailleurs ce qui ne pourra jamais être donné par les parents endeuillés.

Une approche de l'Asie, un éloge de la persévérance au travers de la pratique des arts martiaux et un regard apaisé sur les rapports familiaux... Kung Fu panda est, à tous points de vue un film initiatique qui essaie de nous emmener au-delà de nos réflexes enfantins et nous invite à dépasser ce qui pourrait nous empêcher de réaliser notre destin.

1 commentaire:

erella a dit…

Très jolie analyse
Je pensais en allant voir ce film n'être que "l'accompagnatrice" de mes enfants... mais on ne reste pas longtemps insensible et à distance !